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Donations et successions

Exercice du préciput par le conjoint survivant : quid du droit de partage ?

Saisie sur pourvoi au sujet de l’application ou non du droit de partage au prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant, la chambre commerciale de la Cour de cassation a sursis à statuer dans l’attente de la réponse de la première chambre civile.

Exercice de la clause de préciput : un prélèvement sur les biens communs avant tout partage

Les époux mariés sous un régime communautaire peuvent stipuler dans leur contrat de mariage que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur les biens communs, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce donnée de biens (c. civ. art 1515).

Ainsi, au décès du premier conjoint, le survivant exerce un prélèvement sur certains biens communs conformément à la clause de préciput insérée dans le contrat de mariage.

Le droit de partage est-il dû ?

La clause de préciput étant regardée non pas comme une donation mais comme une convention de mariage, la question se pose, sur le plan fiscal, de savoir si l’exercice de ce préciput rend exigible le droit de partage prévu à l’article 746 du CGI (égal à 2,50 % sur l’actif net partagé).

Plusieurs jugements des tribunaux judiciaires ont écarté l’application du droit de partage (TJ Niort 24 janvier 2022, n° 20-01453 ; TJ Lille 4 avril 2022, n° 20-03477 ; TJ Lille 9 février 2024, n° 22-03013). Selon les juges de première instance, le préciput a pour effet de permettre au conjoint survivant de prélever des biens communs avant tout partage, biens communs qui sont réputés lui avoir appartenu dès la dissolution de la communauté et ce, sans surtout que cette attribution ne s’impute sur ses droits dans le cadre d’un éventuel partage ultérieur. Les biens ainsi prélevés ne feront plus partie de la masse successorale à partager. Ainsi, l’exercice de la clause de préciput n’a pas une fonction d’allotissement entre plusieurs coindivisaires. Il importe peu qu’elle entraine un effet juridique du partage, par lequel le conjoint survivant est réputé avoir été seul propriétaire depuis l’origine, puisque pour le reste, elle n’en a pas les attributs.

Certaines cours d’appel ont pareillement écarté l’application du droit de partage au motif que l’exercice de la clause de préciput n’avait qu’une fonction de prélèvement par le seul conjoint survivant et non d’allotissement entre plusieurs partageants (CA Poitiers 4 juillet 2023, n° 22-01034 ; CA Rennes 19 mars 2024, n° 21-03418).

En revanche, la Cour d’appel de Grenoble a considéré que le droit de partage était dû (CA Grenoble 24 septembre 2024, n° 23-01411).

Suspense….

L’administration a formé un pourvoi en cassation contre la décision de la cour d’appel de Poitiers (CA Poitiers 4 juillet 2023, n° 22-01034 précité) ayant écarté l’application du droit de partage.

Saisie du pourvoi, la chambre commerciale de la Cour de cassation a sursis à statuer dans l’attente de la réponse de la première chambre civile de la Cour de cassation à la question suivante « Le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant en application de l’article 1515 du code civil constitue-t-il une opération de partage ? ». L’affaire est renvoyée à l’audience du 27 mai 2025 de la chambre commerciale.

Pour aller plus loin :

« Donations et successions », RF 2023-6, § 1810

Cass. com. 16 octobre 2024, n° 23-19780

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