Social
Licenciement vexatoire
Un licenciement pour faute infondé n’est pas en soi vexatoire
Un salarié licencié peut réclamer à son employeur des dommages et intérêts si ce dernier s’est montré offensant lors de la rupture. On parle de licenciement vexatoire. Le caractère vexatoire du licenciement sera ou non retenu par les juges au regard des circonstances de la rupture. Pour la Cour de cassation, le fait qu’un employeur ait licencié abusivement pour faute une salariée de 5 ans d'ancienneté, sans aucun rappel à l'ordre antérieur, en lui sommant de quitter l'entreprise sans délai, ne rend pas, ipso facto, le licenciement vexatoire.
Une indemnisation possible en cas de licenciement vexatoire
Peu importe que le licenciement soit injustifié ou justifié, y compris pour faute, le salarié licencié peut réclamer des dommages et intérêts s’il a subi un préjudice distinct de sa perte d’emploi résultant des circonstances brutales ou vexatoires de la rupture du contrat (cass. soc. 19 juillet 2000, n° 98-44025, BC V n° 306 ; cass. soc. 16 décembre 2020, n° 18-23966 FPBI).
Le salarié dont le licenciement est injustifié peut donc cumuler l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec des dommages et intérêts distincts réparant le préjudice lié aux conditions vexatoires dans lesquelles l'employeur a prononcé le licenciement (cass. soc. 27 novembre 2001, n° 99-45163, BC V n° 360).
Les juges ont, par exemple, retenu le caractère vexatoire du licenciement :
-lorsque les conditions dans lesquels il est intervenu ont mis en cause la probité du salarié (cass. soc. 19 février 1997, n° 95-43100 D) ;
-quand le salarié dispensé de sa période de préavis ne peut pas, de ce fait, saluer ses collègues et expliquer les circonstances de son départ, à tel point que son image et sa réputation ont été ternies au sein de l’entreprise (cass. soc. 27 septembre 2017, n° 16-14040 D) ;
-si l’employer a diffusé des informations auprès de tiers portant atteinte à la réputation et à l’honneur du salarié pour compromettre son avenir (cass. soc. 12 mai 2021, n° 19-24722 D).
Une salariée abusivement licenciée pour faute réclame des dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire
Pour la cour d’appel, le licenciement était infondé et vexatoire. - Dans cette affaire, une responsable administrative et comptable avait été licenciée pour faute.
Son employeur lui reprochait, notamment (CA Rennes 23 mars 2023, n° RG 21/00105) :
-un manque de contrôle de la formation des intérimaires ;
-une mauvaise gestion des effectifs ;
-des dysfonctionnements de traitement des congés, heures supplémentaires, absences et remboursements des notes de frais des salariés.
La salariée avait saisi la justice pour contester son licenciement et demander des dommages et intérêts au regard des circonstances brutales et vexatoires entourant, selon elle, la rupture de son contrat.
La cour d’appel a tout d’abord jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse, constatant que les griefs retenus à l’encontre de la salariée n’étaient pas établis.
Elle a également considéré que les conditions de la rupture du contrat de travail étaient vexatoires car :
-la veille de recevoir sa lettre de licenciement, l’employeur lui avait adressé un courriel lui annonçant la rupture de son contrat ;
-le choix d’une procédure disciplinaire apparaissait infondé et vexatoire au regard de l'investissement manifeste de la salariée dans son travail, avec 5 ans d'ancienneté sans aucun rappel à l'ordre antérieur ;
-lors de la remise en main propre à la salariée sur le lieu de travail d’une copie de sa lettre de licenciement, également adressée par voie postale, l’employeur lui avait sommé de quitter l'entreprise.
Pour la cour d’appel, ces éléments caractérisent « une faute de l'employeur qui a été la source d'un préjudice » et la « décision de l'employeur de faire quitter la salariée de son poste de travail sur-le-champ paraît disproportionnée et attachée d'un caractère brutal ainsi que vexatoire dans le contexte de l'entreprise ».
L’employeur, contestant cette décision, a saisi la Cour de cassation.
La Cour de cassation écarte tout comportement fautif de l’employeur. - La Cour de cassation rappelle que le salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse peut prétendre à des dommages et intérêts distincts de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture.
En l’espèce, elle ne partage pas l’appréciation des circonstances de la rupture retenue par la cour d’appel.
Elle considère que la cour d’appel a statué « sans caractériser un comportement fautif de l'employeur ayant causé à la salariée un préjudice distinct de celui résultant du licenciement ».
En effet, les juges du fond n’ont, en l’espèce, fait que s’appuyer sur des éléments de la procédure de licenciement. Mais ils n’ont pas établi l’existence de circonstances brutales ou vexatoires (il n’y a pas eu, par exemple, de mise en cause de la probité de la salariée).
L’affaire sera rejugée sur ce point par une autre cour d‘appel.
Cass. soc. 20 novembre 2024, n° 23-18447 D